Le “val des possibles” devient “le chant des ourses”…

Nous changeons de nom !

Un peu à la manière des membres de certains peuples dont le changement de nom traduit un changement de rapport au monde et aux siens, nous souhaitons formuler à nouveau la manière d’habiter les lieux, dont la compréhension se fait plus fine.

En 2020, en nous installant sur cet hectare de terrain de campagne en Pays d'Auge, "le val des possibles" lançait le regard loin vers un horizon utopique dont on ignorait un peu la disposition de l'archipel qu'il cachait, tout en exprimant fermement le désir de cet ailleurs-autrement, qui s'invente déjà et aussi en de nombreux lieux alternatifs.

"Le chant des ourses" est le nom des interactions qui nous ancrent aujourd'hui de manière toujours plus familière à cette terre partagée avec une communauté de vivants et de choses. Relation enrichie, plus subtile, plus complexe. Et plus simple, aussi.

Dire ce lien plus vigoureux avec le terrestre, avec l'animalité, la frugalité, le féminin, le cosmique, la puissance d'agir. Mais aussi, la gourmandise, l'écoute et le partage, l'instinct des siens, les savoirs anciens.

Dire les sons du monde, ceux qu'on s'échange entre espèces sans en saisir quelque parole, mais en vibrant par l’effet du même instrument naturel.

Dire la situation qu'indiquent les étoiles, la grande ourse, pointant vers l’astre polaire, observée au Sud comme au Nord. S'orienter avec son être et au milieu de quoi on se tient, réactiver l'intelligence des émotions, des sens, des récits...

Dire sous nos pieds le frémissement aquifère du champ des sources, sentir le réseau omniprésent des racines, ces grands bras enfouis des arbres couronnant le petit bosquet où l'on vaque souvent à notre subsistance. Arbres d'avenir, vénérés...

Dire la félicité de s’affairer, sans cesse, à participer à ce grand maillage. Affiner ses savoir-faire, développer des artisanats. Comprendre comment retrouver sa place, s'alléger des inquiétudes imposées.

Dire qu'une figure s'affirme dans nos milliers de gestes saisonniers, qu'elle a l'évidence toute tracée d'une partition, la distance trompeuse d'une constellation.

Dire qu'on habite avec d'autres êtres une forêt, une prairie, un vallon, dire que dans le clos érudit du jardin, il y a l'ivresse des mondes infinis.

Et dire tout ce que vous y entendrez, vous.